Un candidat de l’extrême-droite symboliquement condamné

Allemagne/UE – Une des personnalités les plus clivantes du parti d’extrême-droite l’AfD fait actuellement la une des journaux en Allemagne, où sont attendus dans une climat tendu les résultats des trois élections régionales qui vont se dérouler à l’automne prochain dans autant de länder de l’ex République Démocratique Allemande.

Blond aux yeux bleus, cet « Aryen » est devenu l’homme à abattre !

Bien que la Saxe, la Thuringe et le Brandebourg ne représentent que 10,5% de la population allemande, les trois scrutins revêtent un caractère national car il est fort possible que dans l’un d’entre eux, la Thuringe, le parti d’extrême-droite arrive largement en tête et que son leader Björn Höcke devienne le premier ministre-président portant les couleurs de l’AfD. Cette hypothèse donne des sueurs froides car elle rappelle un passé que le majorité des Allemands veut oublier. C’est en effet en Thuringe que le parti national-socialiste a fait ses armes et ce, dès 1930, c’est-à-dire trois ans avant qu’Adolf Hitler n’accède au pouvoir. A l’époque, seule une minorité de la population prenait au sérieux le programme décrit par le futur dictateur dans « Mein Kampf », un ouvrage que la plupart des critiques littéraires sous la République de Weimar a eu le tort de ne pas prendre au sérieux. Or, c’est entre 1930 et 1933, que le ministre de l’Intérieur du Thuringe, Wilhelm Frick (*), un des plus proches conseillers du Führer, put tester ses méthodes répressives, sa chasse organisée aux opposants et aux Juifs. C’est en Thuringe près de Weimar que fut construit le tristement célèbre camp de concentration de Buchenwald et c’est aussi dans l’actuel Etat libre de Thuringe que des milliers de femmes, hommes et enfants juifs furent déportés ou exécutés comme fut incendiée la quasi totalité des synagogues. Ce passé, qu’il est impossible d’occulter grâce aux nombreux lieux de mémoire qui ont été érigés, joue toujours son rôle dans la vie politique actuelle. Et lorsque Björn Höcke recourt à des symboles ou à des slogans proches de ceux utilisés par les nationaux-socialistes, non seulement cela ne passe pas inaperçu mais la justice se sent dans l’obligation de réagir. Comme celle-ci a des difficultés à le croire lorsqu’il prétend avoir ignoré que la formule « Alles für Deutschland » (Tout pour l’Allemagne) était le mot d’ordre des Sections d’Assaut (SA), le tribunal de Halle l’a condamné à une amende de 16.900 euros, ce qui correspond à 130 indemnités journalières (**). Les avocats de Höcke ont naturellement fait appel de ce jugement et tout le monde s’interroge à savoir si cette seconde procédure pourra se dérouler avant le 1er septembre prochain, jour du scrutin, ce qui est peu probable, compte tenu de la trêve estivale et de la surcharge de dossiers auxquels la justice est confrontée. En plaidant pour la fermeté, les opposants du candidat marchent toutefois sur des œufs car ils prennent le risque de victimiser une personne dérangeante qui a le tort d’arriver en tête dans les sondages.

Sarah Wagenknecht est parvenue en l’espace de quelques mois à bouleverser le paysage politique au détriment de l’extrême-droite.

Un pare-feu nommé Sarah Wagenknecht

Toutes les enquêtes d’opinion le créditent de 28 à 30%, soit deux fois plus que l’ensemble de trois partis actuellement au pouvoir qui totalisent 12,5% dont seulement 7% pour le parti social-démocrate, 4% pour l’Alliance/Les Verts et 2,5% pour les libéraux du FDP. La seule formation susceptible de freiner l’ascension de l’AfD est celle récemment constituée par Sarah Wagenknecht, le BSW, laquelle est parvenue en l’espace de quelques mois à s’imposer dans le paysage politique allemand. Grâce à une campagne rondement menée, le BSW a convaincu 6,2% des électeurs lors du scrutin européen et pu envoyer six de ses représentants au parlement de Strasbourg, soit un de plus que le FDP, créé en 1946 ! Sur la plupart des sujets qui préoccupent les Allemands de l’est, les inégalités sociales, les mesures en matière d’écologie, le fossé est-ouest, l’accueil des migrants et la guerre en Ukraine, l’ancienne membre du parti de la gauche radicale Die Linke, a su trouver les mots justes et les arguments adaptés aux inquiétudes de ses électeurs. Dans les trois länder où vont avoir lieu les élections, le BSW récolte déjà plus de 20% d’opinions favorables, soit presque autant que le bloc CDU/CSU. Sarah Wagenknecht n’apparaît plus comme la dissidente d’un parti de gauche en déclin mais comme un authentique pare-feu à la montée de l’extrême-droite. (kb & vjp)

(*) En tant que ministre de l’Intérieur du Reich entre 1933 et 1943 après l’avoir été en Thuringe au cours des trois années précédentes, Wilhelm Frick a été l’initiateur de la barbarie nazie. C’est à lui qu’on doit la nomination d’ Himmler à la tête de la police du Reich mais c’est aussi grâce à lui qu’Adolf Hitler, Autrichien, put acquérir la nationalité allemande. Jugé par le tribunal de Nuremberg, il a été reconnu comme criminel de guerre, condamné à mort et exécuté la 16 octobre 1946.

(**) L’article 40, paragraphe 2, du Code des Impôts fournit des informations sur le calcul des indemnités journalières. Le tribunal détermine le montant de l’indemnité journalière en tenant compte de la situation personnelle et économique de l’auteur de l’infraction. Ce montant est généralement basé sur le revenu net que l’auteur a ou pourrait avoir en moyenne au cours d’une journée. Un tarif journalier est fixé au minimum à un et au maximum à trente mille euros. Le paragraphe 3 explique également que les revenus de l’auteur, son patrimoine et d’autres bases de détermination d’un tarif journalier peuvent également être estimés . Le montant final du tarif journalier dépend de revenu net individuel  du condamné. (Source : fachanwalt.de)

 

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