Espions russes ? Vous avez dit « espions » ?

Hongrie/Allemagne/Russie/UE – Existe-t-il deux hommes qui se détestent et ne s’en cachent pas publiquement ? Oui, ils existent et ils s’appellent Viktor Orban, ministre-président de Hongrie et Manfred Weber, président du Parti Populaire Européen (PPE) au Parlement de Strasbourg. Le premier n’est l’aîné que de onze ans du second, une différence d’âge qui suffit néanmoins pour tracer deux parcours politiques diamétralement opposés.

Orban : son pays a été trop souvent humilié pour qu’il reste aujourd’hui silencieux !

Né dans une famille de la classe moyenne sept ans après la révolte populaire de Budapest et la répression soviétique qui s’en suivit, Viktor Orban a été, dès son plus jeune âge, marqué par la dureté du monde politique dans lequel il s’est immiscé pour que son pays ne soit plus jamais humilié. On ne comprend pas Viktor Orban si on occulte ses sentiments patriotiques. Féru d’histoire, le chef du gouvernement hongrois en veut autant aux signataires des traités de Versailles puis du Trianon qui ont conduit au démembrement de l’Empire austro-hongrois qu’à ceux du traité de Paris en 1947 qui ont partagé l’Europe en deux blocs. A la moindre occasion, il dénonce l’injustice dont ont été victimes les territoires d’Europe Centrale toujours pris en otage à la suite de conflits dont ils n’étaient pas responsables. Ce sentiment de toujours devoir payer pour les autres et de subir les conséquences de décisions qu’ils n’approuvent pas, à l’instar de l’accueil massif de migrants, suscite un malaise permanent au sein de l’Union Européenne.

Weber : une ambition assouvie grâce aux contribuables européens.

Un président « victime d’une attaque démocratique» !

Manfred Weber est quant à lui un pur produit de la technocratie bruxelloise sans laquelle sa vie n’aurait eu aucun sens. Il a été élu pour la première fois au Parlement Européen en 2004 l’âge de 32 ans, un poste qu’il occupe toujours. Toute sa carrière politique se limite à cette fonction. Il n’a jamais été membre du Bundestag en Allemagne, ni même occupé la moindre fonction dans une collectivité territoriale que ce soit en tant que délégué régionale ou conseiller municipal. Ce manque total d’expérience de terrain et de proximité avec les citoyens ne l’empêche toutefois pas d’avoir un point de vue sur tout et n’importe quoi. Pour jouir de l’autorité qui semble lui être due, il est parvenu en 2022 à se faire élire président du groupe PPE au Parlement de Strasbourg, la plus importante fraction de l’assemblée qui ne s’est pas constituée pour être « populaire » et servir le peuple européen comme son sigle le prétend, mais plutôt pour censurer toutes les voix discordantes et contraires à l’ordre établi. A une fonction de président de « quelque chose » , sans laquelle sa vie n’aurait aucun sens, Manfred Weber y aspirait déjà en 2019 lorsqu’il se porta candidat à la présidence de la Commission Européenne mais hélas pour lui, deux dirigeants aux convictions diamétralement opposées en l’occurrence Emmanuel Macron et Viktor Orban, s’y opposèrent. Cette position commune du président français et du chef de gouvernement hongrois avait alors profondément blessé le plus ambitieux des Allemands qui n’avait pas hésité à l’assimiler à « une attaque contre l’Europe démocratique ». (*) Rien que ça !

Selon Szijjarto, Manfred Weber est en plein délire sur la question russe.

Il voit des Russes partout !

Cette haine tenace de Weber à l’encontre de Viktor Orban incite le président du PPE à prendre toutes les initiatives possibles et imaginables pour dénoncer les décisions prises à Budapest. Son dernier dada en date est l’assouplissement des demandes de visas formulées en Hongrie par des citoyens russes et biélorusses qui, selon lui, « présente un risque sérieux et ouvre une brèche pour les espions russes ». Dans une lettre qu’il a adressée à Charles Michel, président du Conseil Européen, il a demandé à ce que des contre-mesures urgentes soient engagées pour mettre un terme à l’arrivée massive de Russes et Biélorusses en Hongrie. Toutefois, comme le lui a rappelé le ministre des Affaires Etrangères hongrois, Peter Szijjarto, selon la réglementation européenne que Manfred Weber devrait être le premier à connaître, « toutes les démarches et la délivrance des titres séjour relèvent des compétences nationales ». Ce dernier a tenu à poursuivre « les citoyens russes et biélorusses ne peuvent entrer en Hongrie et donc dans l’espace Schengen qu’avec un visa et obtenir un permis de séjour que selon le procédure légalement établie et menée par la direction générale des affaires étrangères ». Avant de s’en prendre à la politique menée à Budapest, Manfred Weber aurait dû en toute objectivité prendre connaissance de celles en vigueur dans les autres pays de l’Union Européenne, au premier rang desquels celui dont il porte les couleurs à Strasbourg en l’occurrence l’Allemagne où vivent entre 3,5 et 4 millions de personnes d’origine russe, dont 260.000 sont titulaires d’un passeport de cette nationalité. Selon les dernières statistiques d’Eurostat, au 1er janvier 2024, la Hongrie ne se situait qu’à la quinzième place quant au nombre de personnes russes (6.193) séjournant sur son sol, soit deux fois moins que la Belgique dont le poids démographique est comparable et qui en dénombrait 12.226. Il serait grand temps que M.Manfred Weber se rende à l’évidence : la majorité des Russes tentés par l’émigration ne sont pas tous des agents du Kremlin ou des suppôts de Vladimir Poutine. Dans la plupart des cas, ils tentent leur chance dans des pays qui leur sont historiquement, géographiquement et culturellement proches à l’instar de l’Estonie (81.036), la Lettonie (37.906), la République Tchèque (35.414), la Bulgarie (19.939) ou la Lituanie (10.003). Ces données chiffrées prouvent que le nombre de ressortissants russes en Hongrie ne représentent même pas 3,4% de celui cumulé dans ces cinq Républiques. Par ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler qu’en matière de « dangereuse » immigration russe, la Hongrie fait pâle figure comparativement à sa voisine autrichienne qui a accordé un titre séjour à 35.586 personnes originaires de Russie, soit 5,7 fois plus que la Hongrie. A l’instar d’un nombre croissant d’observateurs étrangers, les autorités hongroises ne se laissent plus duper par la méthode de Manfred Weber qui utilise ces soupçons, non prouvés, d’espionnage, pour masquer l’échec de la politique migratoire menée dans son propre pays et qui se manifeste par une hausse à deux voire trois chiffres des actes de délinquance. (kb, ip & vjp)

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