Deux lois risquant de s’entrechoquer

Allemagne – Bien que de nombreux étrangers aient été impliqués dans des actes ayant été fatals à leurs victimes, comme ce fut le cas récemment à Mannheim, où un policier de 29 ans est décédé des suites d’une agression commise par un jeune Afghan, le gouvernement de coalition ne souhaite pas faire d’amalgame et utiliser de tels faits à des fins politiques. Une volonté qui est déjà mise à mal par deux lois.

Face à ce drame qui a fait la une de tous les journaux écrits et audiovisuels, le chancelier Olaf Scholz s’est trouvé dans l’obligation de réagir d’autant plus rapidement que le parti d’extrême-droite AfD prenait de plus en plus d’ampleur dans les sondages à la veille du scrutin européen. Il a alors mandaté sa ministre fédérale de l’Intérieur, Nancy Faeser, de concocter au plus vite un texte censé rassurer des électeurs las de la violence quotidienne aux accents antisémites, racistes ou homophobes. Nancy Faeser, calendrier électoral oblige, n’a donc  eu que quelques semaines devant elle pour présenter un texte ou plus exactement une décision que tout le monde attendait, en l’occurrence celle qui consiste à expulser sans ménagement tous les étrangers qui commettent ou approuvent sur les réseaux sociaux des actes terroristes. Cette loi sur l’expulsion concernerait toutes celles et tous ceux qui ne possèdent pas de passeport allemand c’est-à-dire en réalité un nombre restreint de personnes étant donné que le gouvernement a travaillé en parallèle sur un allègement des mesures acquisition de la nationalité allemande.

Nancy Faeser, ministre fédérale de l’Interieur : avisée ou naïve ?

Devenir allemand plus vite

Cette loi dite de la citoyenneté a pour vocation d’alléger les règles en matière de naturalisation. Jusqu’à présent, les étrangers devaient résider huit ans sur le sol allemand pour obtenir un passeport. Ce délai relativement long et qui correspond presque à la moitié d’une génération, a été réduit de trois années, ce qui signifie que tout étranger arrivant cette année en République Fédérale pourra prétendre dès 2029 à la nationalité allemande. S’il apporte la preuve d’une parfaite intégration en participant assidûment à des cours de langue, en se familiarisant avec le contenu de la constitution, en respectant les valeurs de la République et enfin en s’engageant dans le monde associatif, ce même étranger aura alors le droit de devenir citoyen allemand à part entière au bout de seulement trois ans. Ces modifications interviennent au moment même où se multiplient les messages haineux sur Internet suite à l’attaque du Hamas contre Israël, un phénomène inquiétant que le chancelier en personne s’est engagé à combattre. Dans un tel contexte, la réforme de la citoyenneté était-elle vraiment nécessaire ? Beaucoup s’interrogent d’autant plus qu’un étranger à priori parfaitement intégré peut très vite au gré de certains événements changer de camp comme le prouvent de nombreux actes terroristes perpétrés par des personnes qui n’étaient ni fichées, ni même soupçonnées de la moindre violence. Selon le parti d’opposition CDU/CSU, la priorité des priorités n’est pas de « brader » la citoyenneté allemande mais d’accélérer les expulsions de personnes qui, par leur comportement, n’ont plus leur place sur le territoire. En rabaissant l’âge d’accès à la citoyenneté, l’Allemagne se met au diapason de la plupart des pays qui, à l’instar de la France, des Pays-Bas et des Etats-Unis ont également fixé à cinq ans le délai nécessaire à l’acquisition de la nationalité, plaident les partisans de la loi.

Christian Wulff, ex-président de la RFA : avant la grande crise migratoire, il considérait déjà l’islam comme faisant partie intégrante de la société.

L’islam ? Il faut faire avec !

Toutefois et contrairement à de nombreux autres territoires, l’Allemagne a vécu des vagues d’immigration extrêmement massives en provenance de pays islamiques, dont la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan, un phénomène auquel s’est plié le pays et contraint l’ancien président de la République membre de la CDU, Christian Wulff en fonction de 2010 à 2012 à déclarer :  « L’Islam fait désormais également partie de l’Allemagne ». Cette phrase fit alors grand bruit et déchaîna des passions, ce qui n’a pas empêché les instances dirigeantes à poursuivre leur politique d’accueil notamment en 2015, année au cours laquelle la Chancelière Angela Merkel s’est distinguée en ouvrant grand les frontières de son pays aux réfugiés syriens et irakiens. Aujourd’hui, le discours a changé. L’islam fait toujours partie de l’Allemagne mais à condition que les musulmans partagent les valeurs du pays qui les accueille, ce qui pour un nombre croissant d’autochtones paraît totalement illusoire, comme le prouve la haine ouverte et sans le moindre complexe qu’affiche la communauté musulmane à l’égard des juifs et d’Israël. Pour inculquer les valeurs occidentales aux musulmans, l’Etat allemand a crée et financé des « centres de coordination » et des projets « d’autonomisation » à destination des jeunes musulman mais ces initiatives n’ont pas pour autant empêcher l’enseignement de la religion islamique, bien au contraire elles l’ont canalisé et d’une certaine manière promu. Pire, l’Allemagne se trouve actuellement dans une situation qui fait qu’elle ignore avec exactitude le nombre de musulmans qui vivent sur son territoire, car seule une infime minorité des communautés islamiques est organisée en société de droit public alors que tous les groupements protestants, catholiques et judaïques le sont. Parce que l’organisme fédéral des statistiques ne possédait par les données nécessaires à une politique rationnelle de l’immigration, le gouvernement a commandé en 2020 une étude à grande échelle avec la Conférence islamique allemande qui a révélé qu’entre 5,3 et 5,6 millions de personnes musulmanes vivaient en RFA dont 82% étaient fortement ou plutôt religieux, ce qui fait de l’islam la plus grande communauté religieuse du pays après le christianisme. Les lois de la citoyenneté d’une part, et des expulsions d’autre part, vont obliger les autorités à faire preuve d’une extrême vigilance car la première peut détruire les effets attendus pas la seconde. En effet, une fois devenus allemands les auteurs d’actes de terrorisme ne pourront plus être expulsés. Seul l’avenir dira si ces personnes devenues allemandes plus rapidement que prévu sont dignes de confiance ou non. Si oui, Nancy Faeser s’inscrira parmi les ministres de l’Intérieur les plus avisés, si non parmi les plus naïfs. (kb & vjp)

 

 

 

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