Allemagne – Il y a encore peu, personne ne se serait imaginé, que l’antisémitisme pût renaître à tel point de ses cendres en Allemagne. Tout se passe actuellement, comme si l’important travail de mémoire engagé au cours des sept dernières décennies, se voyait réduit à néant.
Le rapport annuel du groupement fédéral des centres de recherche et d’information (RIAS) qui vient d’être présenté à Berlin, révèle en effet, que le nombre d’incidents liés à l’antisémitisme a doublé en 2023 par rapport à l’année précédente. Quatre mille huit cents actes de violence physique ou verbale la plupart avec menace ont été enregistrés. Il ne s’est donc passé de jour sans qu’au moins treize personnes de confession juive n’aient été blessées, insultées ou violentées. Selon le commissaire fédéral en charge de l’antisémitisme, Felix Klein, « les idées antisémites se répandent de l’extrême-gauche à l’extrême-droite mais touchent également le coeur de la société ». Parmi les délits signalés, 121 qui étaient d’une extrême violence, ont nécessité des hospitalisations. Ils représentent la face le plus visible de l’iceberg et aussi horribles soient-ils, ils ne doivent en aucun cas faire oublier les milliers d’humiliations quotidiennes que subit le minorité juive sous différentes formes. A côté des quelque trois cents cas de dommages matériels qui ont été enregistrés, on ne compte plus le nombre de menaces ou de graffitis sur les murs, dont beaucoup ne font l’objet d’aucun signalement ou d’aucune plainte. Les données publiées sont par conséquent en deçà de la réalité.
Des intellectuels qui acquiescent
La vague antisémite a connu un sursaut au lendemain du 7 octobre lorsque le Hamas islamiste a envahi Israël et tout s’est passé comme si les antisémites de tout poil avait espéré cet événement pour exprimer leur haine à l’égard du « juif ». Sans le moindre scrupule, ces derniers ont occulté les huit cents civils israéliens assassinés pour s’apitoyer sur le sort des Palestiniens impliqués contre leur gré dans la guerre à Gaza. Le RIAS attribue ainsi près des trois quarts des incidents documentés en 2023 à l’antisémitisme lié à Israël, ce qui laisse supposer que plus le conflit s’éternisera et s’exacerbera, plus la minorité juive vivant en Allemagne sera en danger. Les manifestations anti-israéliennes dans les centres-villes ne permettent plus selon le rapport de garantir « une situation sécuritaire objective » ou « un sentiment de sécurité personnel ». Beaucoup de membres de la communauté juive ont décidé de se retirer de la vie publique, d’autres tombent malades parce qu’ils souffrent d’une « anxiété permanente ». Cette double conséquence est due au fait que les incidents dans leur grande majorité ont lieu dans les espaces publics, dans la rue ou dans les transports en commun. Mais ce qui inquiète au plus point les observateurs est le nombre de plus en plus important d’actes de violence physique ou verbale dans des lieux où, par essence et intelligence, ils ne devraient en aucun cas et sous aucun prétexte se dérouler, en l’occurrence les écoles, les universités, les musées ou les théâtres. Ce phénomène a été perceptible dans les plus grands pôles universitaires dont celui de Berlin où les étudiants ont déroulé des banderoles pro-Hamas et anti-israéliennes. Alors qu’on attend de tout intellectuel, quel qu’il soit, un minimum d’objectivité, c’est tout le contraire qui s’est produit et continue à se produire en Allemagne où on constate un manque total de solidarité ou d’empathie. Bianca Loy qui a coécrit le rapport annuel sur l’antisémitisme, a constaté avec effroi que la plupart des affiches avec photos destinées à commémorer le sort des civils kidnappés par le Hamas, avaient été taguées, vandalisées voire arrachées. Ce que craint au plus point Bianca Loy est « le risque que l’antisémitisme devienne endémique et se normalise », un phénomène qui au mieux stabiliserait le nombre d’incidents constatés, au pire l’augmenterait. (kb & vjp)